Hôtel Bohême

Rendez-vous de créateur - Paris

3 à 4 fois par an Hôtel Bohême réunit une sélection pointue de créateurs dans un lieu d’exception situé dans le 11e arrondissement de Paris.

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PORTRAIT – VIRGINIE FANTINO

--27 mai 2016--

La première fois que Virginie Fantino a présenté son travail à Paris, c’était à Hôtel Bohême en mai 2013. Vous découvriez alors ses bijoux à base de coques de noix ou inspirés de la forme du cédrat. À l’époque Virginie habitait encore à Paris et fabriquait ses bijoux entièrement à la main et en pièce unique. Tout de A à Z. Du dessin, en passant par la découpe, jusqu’à la vente.
Ce qui nous a immédiatement séduits dans le travail de Virginie, c’est le délicat assemblage entre matériaux naturels (écorces de fruits) et matériaux dits plus nobles (laiton doré à l’or fin, argent…). Ce qui peut parfois être terriblement « casse gueule ». Mais là, la matière naturelle, brute, est magnifiée par les matériaux plus précieux, travaillés. Et le laiton doré à l’or fin, par exemple, gagne en authenticité lorsque Virginie l’associe à des matériaux plus bruts (coques de noix, noyaux de cerise…). Il en ressort un réel savoir-faire artisanal et des idées novatrices, originales et élégantes.

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Depuis sa première venue, Virginie travaille toujours de la même façon, mais elle a élargi sa proposition avec une collection supplémentaire : des bijoux réalisés avec des radiographies. Elle a également déménagé à Marseille. C’est là-bas que nous sommes allées la rencontrer pour discuter de sa marque, de son travail et de son quotidien.
Rencontre.

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Virginie, bonjour, et merci de nous consacrer un peu de temps, pour nous aider à mieux comprendre ton travail et qui tu es. Tu nous décris un peu l’endroit dans lequel nous nous trouvons ?
Virginie : Nous sommes au 27 boulevard de la Corderie dans le 7ème à Marseille, dans la boutique atelier Watt.
Je partage ce bel espace de travail et d’exposition de 180m2 avec 5 personnes : Fanny Barrabes qui fait du dessin, Raphaëlle Barbet qui fait de l’origami, Pierre Marc Marteli luthier, Pierrick Desville et Jérôme Pereira créateurs de luminaires.
Les savoirs faire y sont donc nombreux et complémentaires.

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Mon atelier est perché sur une mezzanine, de mon établi je surplombe le showroom.

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Peux-tu te présenter s’il te plaît et nous dire quel a été ton parcours jusqu’à la création de ta marque ?
Virginie : Je suis Virginie Fantino, 26 ans, bijoutière.
Après un BAC arts appliqués à Antibes je suis « montée » à la capitale à 18 ans pour mes études supérieures. J’ai fait un DMA (Diplôme des Métiers d’Art) en sculpture appliquée au métal à Olivier de Serres (ENSAAMA). Nous étions 9 dans ma classe (une sacrée belle équipe) avec un superbe atelier, un bel accompagnement, des cours de dessins, de modelage… Le bonheur quoi !
J’ai ensuite passé un CAP Art du Bijou et du Joyau en alternance à la BJOP. J’ai été embauché comme maquettiste soudeur dans l’entreprise de mon apprentissage. Je réalisais des bijoux pour la haute couture.
En parallèle, je montais un atelier à Saint-Denis avec pas mal d’amis du DMA. Ce sont les Ateliers de la Briche. Ils sont maintenant une cinquantaine, artistes, artisans, sculpteurs, designers, constructeurs, inventeurs, à se partager cet ancien site industriel.
J’ai fini par démissionner et me lancer corps et âme dans mon activité à la Briche.

Est-ce que ta marque est ton activité principale ?
Virginie : Oh oui!
Je crée et fabrique mes propres collections (celles vendues à Hôtel Bohême) et je fais aussi beaucoup de sur mesure, de commandes. Des alliances, médailles de naissance, etc.

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Par exemple, en ce moment, je créé un collier pour bébé en ambre, or et bois de noisetier, et je viens de finir une médaille en or et bois de citronnier sculpté.

Ça ressemble à quoi une journée de travail chez Virginie Fantino ?
Virginie : Je me lève vers 7h30, 8h après un thé, j’enfourche mon vélo, je file à l’atelier ou je fais mes petites courses fournisseurs si besoin. La veille, je me suis fait une liste des choses à faire. Généralement, je réponds aux mails, fais mon administratif (horreur) et prépare les éventuelles commandes le matin avec un petit café.
Ensuite je m’installe à mon établi (bonheur) et là je suis bien, dans ma bulle, entourée de mes outils, mes carnets, mes maquettes.

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Je fais une pause repas avec les colocs d’atelier vers 13h ou je vais manger au bord de mer (et oui j’ai la mer à 15 minutes à pied).
Et puis c’est reparti, et là le départ de l’atelier dépend vraiment du travail en cours. Je peux partir à 18h comme à 23h. Mais je progresse, fini les journées qui s’éternisent jusqu’à 3h du matin à l’atelier, maintenant je me laisse maximum la permission de minuit pas plus !

Est-ce que tu as des petits rituels, des manies de travail ?
Virginie : J’allume la radio (obligatoire), mets mon tablier, mes lunettes et m’attache les cheveux.

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Cela fait maintenant 1 an que tu es arrivée à Marseille. Tu nous racontes un peu ce qui a motivé ce déménagement et ce qui en ressort ?
Virginie : Je suis originaire de Nice, du coup j’avais vraiment besoin d’un retour dans le sud. La mer, le soleil, la chaleur humaine, les couleurs, le ciel, la famille, les expressions, les paysages, la douceur de vivre tout ça me manquait.

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Avant mon déménagement définitif, je faisais déjà des allers-retours réguliers à Marseille. Cette ville me fascinait. Quand j’arrivais sur le parvis de la gare Saint-Charles avec cette vue de folie, j’avais l’impression de respirer de nouveau. Et puis je suis tombée amoureuse, mais pas que de la ville !
Après une transition de quelques mois de vie à Naples, j’ai déménagé définitivement à Marseille. Et j’en suis super heureuse ! J’ai l’impression d’être « du bon côté ».
Je monte encore très souvent à Paris et je profite vraiment de cette ville magique, je prends le temps de la découvrir de nouveau, mais je suis contente de redescendre chez moi dans le sud !

Pour en venir à tes bijoux, peux-tu nous dire comment t’es venue cette idée d’assembler matériaux naturels et matériaux « précieux » ?
Virginie : J’ai toujours beaucoup observé la nature. Petite, j’avais plusieurs microscopes et je décortiquais tout. Je voulais devenir botaniste. Je dessinais des plantes et j’ai démarré pas mal d’herbiers !

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Mon père est ébéniste et ma mère infirmière, tous les deux à leur compte. Avec ma sœur, si nous n’étions pas à la campagne (donc avec les plantes), nous bricolions à l’atelier de mon père dans les copeaux de bois ou nous nous amusions dans le cabinet médical de ma mère. J’ai donc toujours été sensible et sensibilisée aux matières naturelles, bois, écorces, et au corps.
Je voulais faire ressentir ma fascination pour ces coquilles oubliées, ces noyaux crachés ou ces écorces jetées.
Les sublimer avec le métal précieux. Et les porter fièrement pour les faire vivre de nouveau.

Et cette autre collection avec des clichés de radio ? C’est très différent quand même. Ça vient de quel cheminement ?
Virginie : Pour moi c’est une suite logique de la bague « Peau » en coquille de noix qui forme une petite loupe en argent sur la peau. On a l’impression que le motif de la peau et grossi grâce au motif de la noix.

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Crédit photo : Virginie Fantino

J’ai voulu aller plus loin et non plus cacher le corps avec un bijou, mais le révéler en profondeur. Montrer la beauté de notre structure. Ces bijoux sont comme de petites fenêtres sur notre intérieur.

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Peux-tu nous expliquer tes différentes étapes de travail, de la conception à la réalisation de l’un de tes bijoux en écorces de fruits ?
Virginie : Pour la conception, ça commence souvent par des dessins puis très vite des maquettes, une ribambelle de maquettes. Et puis, quand les proportions me plaisent, que le dessin s’affirme, je passe au prototype. Je note mes étapes de travail pour pouvoir reproduire la pièce et me creuse la tête pour simplifier la réalisation.
Pour la réalisation, je commence par prendre l’empreinte de l’élément naturel.
Je découpe son contour, scie, lime, ajuste.
Je dessine la découpe intérieure, puis perce et scie de nouveau ou je mets en forme au marteau selon la pièce.

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Ensuite, je soude les systèmes d’accroches puis polissage. Découpe et soudure des petits anneaux de la chaîne. J’amène tout ça chez mon doreur. Et puis, pour finir, montage final de l’élément naturel et de la forme en laiton doré à l’or fin.

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Et pour ceux à base de clichés de radio ?
Virginie : J’essaie de travailler avec les mêmes modules. J’ai donc fait des cadres en laiton (deux tailles différentes). J’ai fait un moule de ces cadres et je les amène chez mon fondeur qui me fait des tirages de ces cadres en argent ou en laiton.
Je reprends ensuite ces fontes : découpe, limage, brossage, polissage. Je viens souder les corps de bague préalablement mis en forme ou les anneaux. Ensuite, je découpe et ajuste une plaque d’aluminium poli, ainsi que mon cliché radiographique, que je viens rentrer en force et coller dans son cadre.

Comment  fais-tu pour t’approvisionner en éléments naturels (coques de noix, cerises, noisettes…) ?
Virginie : Au départ seulement avec ma consommation personnelle, j’aime beaucoup les noix ! Et puis ensuite le bouche à oreilles, la famille, les amis, et maintenant les amis d’amis et les amis de la famille !

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Mes petits éléments naturels sont victimes d’un tri strict. Par exemple, pour les noix, je n’utilise pas la coquille des noix industrielles (que l’on trouve en supermarchés) car leurs coquilles sont trop fragiles et cassantes. J’imagine qu’elles grandissent trop vite. Je récupère des noix de l’arrière-pays niçois !

As-tu une petite exclusivité ou une nouveauté à nous révéler ici ?
Virginie : Des prototypes autour du raisin sont en cours et seront prêts pour ma prochaine participation à Hôtel Bohême !

Et la suite tu la vois comment ?
Virginie : Pour la première fois une stagiaire qui passe un CAP bijouterie travaille avec moi. Cette aide extérieure commence à devenir précieuse. Les commandes augmentent et je n’ai que deux mains et un cerveau. Du coup peut-être qu’il faudrait que je forme quelqu’un pour m’aider à la production. Mais pour l’instant je prends mon temps, je fais les choses à mon rythme et j’apprécie de vivre la vie et le métier que j’ai choisi. Si tout pouvait continuer sur la même lancée ce serait parfait !

Comme nous le disions au début de cette interview, tu as fait ta première expo en mai 2013 à Hôtel Bohême. Qu’est-ce que tes différentes participations à notre évènement t’ont apportées ? Et qu’est-ce qui en ressort pour toi ?
Virginie : Tout d’abord vous m’avez fait confiance et m’avez donc donné confiance en moi pour ma première vente et ça ce n’est pas rien ! Merci !
Et puis commencer à présenter et vendre son travail à la clientèle d’Hôtel Bohême est une chance. En effet, Hôtel Bohême crée une ambiance conviviale avec des visiteurs habitués, curieux et fidèles. J’ai donc pu tisser des liens avec beaucoup de personnes (créateurs, clients, galeries) qui ont pu suivre l’évolution de mon travail et qui sont d’ailleurs à la source de cette évolution. Puisque c’est grâce à vos regards, vos suggestions, vos questions et toutes vos différentes morphologies que je continue à être inspiré.
J’aime beaucoup ce nouveau lieu, on y respire !

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Passons maintenant à la partie un peu plus personnelle.
Quel conseil donnerais-tu à ceux qui arrivent pour la première fois à Marseille ? Comme toi qui est arrivée de Paris.
Virginie : Ne pas arriver à Marseille avec des préjugés dans la tête. Je pense que Marseille est une ville qu’on peut aimer ou détester de tout son cœur ! Ici tout est en contraste fort, pas la place pour le gris !

Tu nous donnes tes adresses fétiches à Marseille ? Attention, des différentes de celles d’Emmanuelle ! 😉
Virginie : Oh, il y en a tellement ! C’est dur de choisir… J’ai habité un moment à Belsunce (ouais breakdown !) et j’aime beaucoup tout le quartier de Noailles avec le marché des Capucins et Saladin, un temple aux épices, olives, miel, halva, etc. Dans le même quartier, il y a la fabuleuse quincaillerie Empereur, une institution marseillaise.
J’adore être en haut des escaliers du cours Julien et voir jusqu’au bout de la rue Grignan, où je dois marcher pour aller à l’atelier. J’aime bien boire un Gomé (bière sirop de citron) ou une moresque (pastis sirop d’orgeat) au Chapitre, en terrasse, du coté des Réformés avec vue sur la fontaine, le tram et les fous, ou place de Lenche, dans le quartier du Panier, avec vue sur la mer. Bien sûr, il y a une quantité de beaux endroits au bord de l’eau : l’anse de la Fausse Monnaie ou les rochers de Malmousque. D’ailleurs on a commencé, de temps en temps, notre semaine par une baignade du lundi matin sur la plage du prophète avec Emmanuelle (Curiosités d’Élixir) et Lolita (Lolita Picco). Les Îles du Frioul, desquelles on découvre Marseille autrement. Et pour finir, aller à l’Estaque en bateau pour manger des chichis et des panisses.

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Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Virginie : Elles sont nombreuses. J’observe tout, tout le temps.

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Les moindres détails : une fissure dans un mur, l’ondulation des vagues, les plis d’une chemise… Tout m’inspire. La nature reste ce qui rassemble tous les petits détails qui me plaisent et me touchent.

En dehors de ton travail qu’est-ce qui te passionne ?
Virginie : Les plantes, la lecture, le cinéma, le dessin, l’artisanat dans sa diversité, les outils, les vides greniers, les brocantes, les voyages, les rencontres.

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Mais surtout les échanges humains. L’être humain est une sacrée créature et apprendre à la comprendre et à communiquer c’est chouette ! Du coup j’aime surtout passer du temps avec mes amis et ma famille !

Est-ce qu’il y a quelque chose que nous n’avons pas évoqué et que tu aurais aimé dire ici ?
Virginie : J’ai déjà été assez bavarde non ?!

Ton mot de la fin ?
Virginie : On se retrouve vite !

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PHOTOS : Juliette Beaupin
INTERVIEW : Mélanie Brument

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